Janvier/Février

Lundi 1er janvier
Au chaud dans notre nid lyonnais, un tendre et joyeux passage du six au sept, en se souhaitant une heureuse conception pour cette année. Quelques mets goûteux (apéritif varié arrosé d’une blanquette de Limoux avec crème à la fraise et aux fraises des bois ; foie gras d’oie artisanal ramené de Corrèze accompagné d’un Sauterne 2004 ; boudins blancs aux morilles avec son fagot lardé de haricots verts soulignés par un Cahors 2004 ; bûche glacée aux chocolats), une émission distractive, quelques cadeaux (restes du Noël Saint-Crépin non fêté) : de la pure symbiose avec ma BB.
Après avoir fait paraître sur mon blog LD pamphlétaire et sur le site Points communs.com les passages écrits les 24 et 26 décembre sur ma feue grand-mère, des courriels d’hommage à la
qualité sensible de mon texte. Pas une fausse note dans ces réactions de personnes inconnues mais touchées par mon témoignage d’amour. Ne devrais-je pas verser dans l’écriture sensible, celle dans laquelle peut s’identifier le lecteur du hasard, plutôt que de rester chevillé à la plume incendiaire… Même si l’évolution de ma tonalité littéraire m’a fait passer du pamphlétaire au réfractaire, l’essentiel reste constitué d’attaques tous azimuts.
Reçu hier un mail de S. (qui signe Hermione, le prénom que je lui attribue dans la version publiée de mon Journal) suite à un mailing par courriel à tous mes contacts pour les prévenir de l’ouverture d’une nouvelle adresse e-mail, l’ancienne servant comme moyen d’identification lors des référencements de mes blogs sur des moteurs de recherche et étant polluée, de ce fait, par d’innombrables spams indésirables.
Courriel étonnant de Hermione donc : un ton recherché d’une femme qui se veut en retrait du monde, désespérée par les ruptures familiales cumulées, mais commençant à vivre à l’aune de ses rêves d’enfant dans une magnifique propriété située dans le Lot. Son exécration de la Somme, et de Chaulnes en particulier, s’explique par les époques sombres qu’elles incarnent. A la fin, elle rend hommage au garçon (tel un frère) qui a partagé quelques années de son enfance. Nos retrouvailles, si elles ont lieu un jour, concentreront toute l’émotion cumulée de cette complicité enfantine perdue à jamais, en route déjà vers les désabusements nostalgiques.


Je garde ce surprenant courriel comme une trace de cette chère Hermione, artiste talentueuse et incarnation des moments féeriques d’une tranche de mon enfance.
Dans l’actualité de la fin 2006 : la mort d’un James Brown à bout de souffle et l’exécution à la va-vite de Saddam Hussein qui acquiert ainsi, pour une bonne partie du monde arabo-musulman, le statut de martyr. Encore une erreur fondamentale dans la gestion du chaos irakien…

Jeudi 4 janvier
Une bien maussade humeur, sans explication rationnelle. Aucune envie d’échanges, de conversations, de dialogues. Il me faut une quarantaine volontaire.
Passage des parents B, de la sœur et de la marraine de BB pour le dîner : nulle envie de prendre part à la convivialité. Peut-être la résultante d’une surabondance d’instants collectifs. Besoin vital de retrait.

Dimanche 7 janvier, 23h20
Quelques heures de sommeil avant une rentrée sans temps mort. Les moments de recueillement et de délassement doivent être délaissés.
Vu ce soir la magistrale et dramatique interprétation de Harpagon par le tonitruant Serrault. L’acariâtre personnage, par cette incarnation, appelle un peu plus encore l’antipathie. De Funès l’avait allégé d’une nervosité comique, Serrault l’assombrit de tous les vices médiocres. Les déambulations des personnages dans cette austère, mais labyrinthique demeure, insuffle une vitalité à cette version où chaque virgule du texte semble avoir été respectée. Avant extinction, quelques lignes du défenseur de feu Revel, Pierre Boncenne, qui démontre aisément la pesanteur ou la volonté méprisable d’une bonne part de cette prétendue élite intellectuelle qui a tout fait pour ignorer, minimiser ou déformer l’œuvre majeure de ce journaliste-penseur, de cet essayiste hors pair. Vive Revel !

Jeudi 11 janvier
Le rythme des semaines pro reprend sa pleine place, après cette parenthèse émotionnelle. Les aspirants lieutenant ont fait leur entrée en formation, l’équipe des intervenants occupe la brèche, et je me fonds dans ce rôle de modeste formateur de centre privé. Par fainéantise sociale, j’ai hypothéqué tout plan de carrière. La dérisoire rémunération versée, l’absence d’évolution possible dans cette micro structure, le bien-être global des conditions de travail, tout cela forme une niche dont j’aurai du mal à m’extraire par ma volonté.
Hommage à Samuel Etienne et à sa troupe de bretteurs renouvelée chaque soir pour s’indigner sur l’actualité. Le N’ayons pas peur des mots surnage parmi les quelques très rares émissions télévisées auxquelles je me suis fidélisé. Entre invectives et raisonnements, la variété des profils assure à l’émission un souffle vivifiant.

Alors laissons-nous porter par les indignations de l’olympien Tesson, tirons à coup de sondages aiguisés par Jean-Marc Lech, récoltons les fines analyses de Bénamou, accrochons la barytonne bourrasque vocale de maître Spiner ( ?), noyons-nous dans la radicalité aux yeux clairs de Clémentine Autin, achevons les adversaires avec le doublé dirigeant de Marianne chez Charlie, voguons de métier en métier pour déterminer qui argumentera davantage du publicitaire à l’auteur, du politique à l’avocat…

Samedi 13 janvier, 0h30
De retour d’un agréable dîner chez Aline et Pedro. Leur petite a bien poussé et grossi, mais la maman semble se lasser de cette quotidienneté à pouponner. Pas d’insurmontables problèmes, mais de petites tensions à gérer. Sa volonté, dès que possible, est de retrouver une situation professionnelle qui corresponde à ses recherches. Pedro semble prendre avec philosophie les quelques difficultés d’acclimatation de son épouse. Pour le reste, toujours de l’harmonie.
9h30. Pas toujours contempteur des profils de jeunes gens à former. Dans le groupe des SPP1 de cette année, une dizaine
d’éléments à la mentalité joyeuse, mais studieuse, emmenée par la pétaradante Marie-Lyne B., issue de Nouvelle-Calédonie, qui me témoigne un gratifiant intérêt pour mes interventions. Cette semaine, au début d’un des cours, un petit hippopotame en peluche m’attend sur la table avec un gentil petit mot de la part des SPP1, en réalité de cette Marie-Lyne et de ce noyau complice. Très touché par la démarche.

La vase ou le mur
Au-delà d’un penchant naturel, mon métier nécessite le suivi attentif de l’actualité. La petite musique préélectorale française, où se multiplient les notes discordantes, semble rassurer sur la santé démocratique de notre pays, pour les partisans de ce système.
Ce qui navre, c’est l’absence sidérante du thème européen. Depuis le rejet grotesque du projet de traité constitutionnel, la démonstration de l’immaturité du prétendu « camp du Non » s’est ébrouée d’indigne façon : aucune union constructive n’a été accouchée de leurs gesticulations en fanfare, aucun interlocuteur crédible n’a pu porter leurs protestations scandées comme une première marche fondatrice d’une nouvelle Europe : rien, nada, nib !
Malheureusement, tout ce que j’avais écrit au moment de la campagne référendaire, dénonçant l’illusoire union en cas de triomphe du Non, a pris corps dans la trajectoire de ces Fabius, Buffet, Besancenot, Laguiller… sans parler de la part qui revenait aux Le Pen, de Villiers, Dupont-Aignan et qui, d’entrée, ne pouvait être associée à l’élan salvateur claironné. De quoi se compose-t-il aujourd’hui ce fumeux mouvement ? D’une bande de falots drilles incapables de s’accorder sur une personnalité unitaire aux élections présidentielles, condition minimale pour peser, un tant soit peu, aux législatives. Pitoyable résultat à l’image des arguments malhonnêtes enfournés dans l’esprit d’une majorité de citoyens. Amer ? Oui, je le suis d’avoir trop eu raison ! L’opportunisme en couches de ces nauséeux carriéristes a sali et embourbé la construction européenne.
A vingt-sept, engoncée dans des règles institutionnelles trop étriquées, l’UE va hoqueter pour tenter de faire bouger cette
ingérable mosaïque. L’erreur première est d’avoir voulu mettre la charrue avant les bœufs : faire entrer douze nouveaux membres avant d’avoir instauré un cadre constitutionnel viable… un non-sens à la portée du premier candide en stratégie politique débarqué. Sans doute, les concepteurs de cette marche à suivre n’avaient-ils pas appréhendé la funeste inspiration de notre Président, puis des Pays-Bas, de consulter le peuple sur cette complexe question.
La France, initiatrice du projet par la voix de Giscard d’Estaing, a fait son caprice, mécontente d’une situation qui lui a garanti plus
d’un demi siècle de paix et de développement socio-économique. Aujourd’hui, aucun candidat à la présidentielle qui soutenait le Oui au traité (curieux, c’est parmi eux qu’on trouve ceux qui ont une chance d’être élu…) n’ose dire que le choix français a été une foncière erreur, que la majorité du peuple s’est fait berner par des agitateurs démagogiques, que la réalité des manettes pour gérer le pays se trouve à Bruxelles et non à Paris, que sans l’UE nous serions encore plus marginalisés sur la scène internationale… La construction européenne a disparu des discours médiatisés.
L’ère démocratique continue donc à nous gratifier des tours d’illusionnistes aspirant au pouvoir : promesses avec des caisses vides, belles lois sans décret d’application, politique étrangère hypocrite à l’égard des superpuissances émergentes faute de poids de l’Europe politique, tours de manège gratuits, destination la vase ou le mur. On végète dans nos illusions ou l’on s’écrase brusquement, à bout de souffle.
A moins que le providentiel revienne faire un tour dans nos contrées, à moins que l’électorat soit soudain saisi d’une lucidité constructive (encore faut-il que ce qui lui est présenté le lui permette). L’onirisme maintient en vie, à défaut d’enthousiasme.

Dimanche 21 janvier Par un courriel titré Clap dernière ! j’ai mis un terme aux récentes retrouvailles (à distance) avec Hermione qui, finalement, se complaît dans la singerie d’un autre personnage : l’atrabilaire Carabosse.
Après un premier échange touchant, réaction à mon texte sur ma feue grand-mère, dans lequel elle campait, avec quelque talent (et sans doute l’aide de son compagnon) ses conditions contrastées de vie, le ton a vite changé.
N’ayant pas admis mes propos dans La vase ou le mur, elle m’adresse une contre-argumentation pointant quelques signes d’attaques intuitu personae. Saisissant l’occasion d’établir une correspondance polémique, je souligne ce qui m’apparaît comme des points de faiblesse dans ses propos, mais en prenant garde (mon instinct ne m’y incitant d’ailleurs pas) de ne lancer aucune insulte à son égard. Hier, quelques jours plus tard pour peaufiner ses effets, je reçois un pseudo commentaire de ma réponse, mais vrai catalogue d’injures à mon endroit.
Ne me soumettant pas à sa première logorrhée, elle s’essaye à l’indigne charge, sous prétexte d’avoir décelé du condescendant dans mes propos. C’en est donc terminé aussi avec cet enfant de sang de Heïm. Hubert l’arriviste, Alice la déjantée et Hermione l’infâme : beau trio ! Aucune envie de perdre mon temps avec ce qui s’apparente à du sous-Heïm sans finesse. Qu’elle reste dans ses certitudes d’incomprise et ne vienne plus m’importuner. Six lignes de courriel pour l’évacuer, c’est bien assez.

Lundi 22 janvier

D’un hommage l’autre
Me restera en mémoire une vie enrichie par les combats d’une générosité renouvelée. En traversant le vingtième siècle, rien n’avait altéré son enthousiasme. Frêle silhouette à la fin de ce parcours, le mental persistait sans faille, jusqu’au bout de soi dans ses possibles. L’âge ne devait surtout pas avoir l’emprise de l’abandon de ses espérances, et sa croyance ne déviait jamais vers l’intolérance intégriste ou le conservatisme stérile.
L’approcher, c’était s’illuminer par ses grognes spontanées contre les injustices régnantes.
Cette capacité à affronter la douleur et les aléas d’un physique qui vous trahit, caractérisait son abord de l’existence.
Ce fond d’allant vers l’autre répondait, sans doute, à un besoin d’affection aux explications familiales. L’altruisme en mode de vie s’exhalait naturellement d’une dévotion spirituelle sincère. Moi, mécréant égaré s’il en est, j’en étais très touché. Etre entouré, pour rester en phase avec sa dignité de vie, d’action et restituer ainsi toute l’amplitude de sa bonté, voilà son humanisme premier.
Elle est morte à 94 ans, le 26 décembre 2006, c’était ma grand-mère ; il est mort à 94 ans, le 22 janvier 2007, c’était l’abbé Pierre.

Samedi 10 février, sans doute autour de minuit.
Soirée de retrouvailles chaleureuses chez maman et Jean, avec Jim et Aurélia, autour d’un Loto déjanté. Au sixième ou septième lot, le téléphone : Candy, la fille de Jean, est en larmes après des violences échangées avec son compagnon (le projet de séparation était décidé pour la fin de semaine prochaine). Suspension des festivités, Jean va la chercher à Paris. Malheurs cumulés pour nos fêtes : après un Noël endeuillé, une réunion de février entachée par cette violente fin sentimentale. La maman de Candy tutoyant la mort, nous avons d’abord cru à un décès traumatisant, mais prévisible. C’est finalement la sordide violence d’un couple à l’agonie qui aura rompu le charme insouciant de la soirée.
Découverte d’une facette insoupçonnée de l’adolescence de Jim :
aux pires moments, il s’est adonné au caillassage des trains et au vol en bande organisée, entre autres méfaits. Il reconnaît aujourd’hui l’extrême stupidité de ses agissements. Parti du domicile maternel alors qu’il n’avait que quatorze ans, je n’ai pas connu son interlope période, mais maman s’est alors laissé berner, lui faisant totalement confiance.
A méditer : l’existence des êtres que l’on connaît, que l’on côtoie, est toujours plus complexe que celle qu’on se figure. La tendance simplificatrice…

Dimanche 11 février
Noël 2006 et anniversaire de maman en une soirée : nous avons encore été bien gâtés avec, notamment, un lecteur-enregistreur-graveur DVD de 160 gigas.
Le jour saint de notre-sainte-mère-Marie, hommage à son premier miracle, choisi par Ségolène Royal pour présenter ses choix politiques dans le fouillis des débats participatifs.

Un Vote, sinon Fin !
Sans doute, à 37 ans, voterais-je pour la première fois, en avril prochain, évoluant ainsi dans mon rapport au système démocratique. Toujours aussi circonspect dans mon approche d’un mode électif qui considère d’égale manière celui qui arrête son choix (quel qu’il soit) par une démarche réflexive et celui qui va tirer au sort le bulletin à glisser dans l’enveloppe, celui qui va mettre en perspective, comparer les programmes dans une connaissance minimale des institutions et le je m’en foutiste ignare tout juste bon à brailler ses desideratas, je me résous à jouer le jeu. Toujours aussi critique de règles qui n’accordent aucune place efficiente au vote blanc, je m’efforcerai de me rendre dans l’isoloir, même si mon choix n’entre pas dans les pourcentages retenus comme poids politiques. A force de m’imprégner des atrocités commises dans d’autres pays, des dérives autocratiques de régimes à façades démocratiques, des luttes sanguinaires entre d’un côté le détenteur du pouvoir et ses sbires, de l’autre les opposants gourmands de cette place, je relativise les défauts de notre régime et de ses actants, au point de me sentir comme un devoir de me rendre aux urnes.
Les coups bas des adversaires de cette campagne fleurent bon la lutte entre gens civilisés au regard des voies adoptées dans d’autres contrées. A force de focaliser son esprit contempteur dans les seules limites de l’hexagone politique, on omet de s’informer des pratiques alentour. Même nos partis extrêmes (de gauche et de droite) ont épousé les règles pacifiques du débat démocratique.
Cela mérite un petit hommage à la Cinquième république (que certains voudraient dénaturer), à quelques mois de son cinquantenaire : elle a contribué à la pacification (au sens physique) des échanges politiques et à une certaine stabilité des pouvoirs en place, sans empêcher l’alternance. Ne dérivons pas non plus vers la naïveté en gros sabots du tout-va-bien-madame-la-marquise : la fibre de certains de nos compatriotes n’a pas plus de vertus consubstantielles que celles des barbares qui officient au Proche-Orient, en Afrique ou en Asie. Intensifions un chouia le nombre de laissés pour compte, attisons les antagonismes sous-jacents des communautés et le barbare réinvestira sans peine nos cieux.
La quête obsédante du pouvoir, pour certains, incline à défendre ce perfectible système démocratique. Ne pas laisser les gouvernants légalisés par les urnes se supposer légitimes pour une occupation pérenne, signe de tous les maux autocratiques. Les idéologies, même les plus généreuses dans les objectifs, ne résistent pas à la captation des manettes de direction.

Quoiqu’on puisse être sévère avec ces agitations alambiquées des contre-pouvoirs, des gueulantes syndicales dans l’aventure écourtée du CPE aux levées de boucliers de l’institution judiciaire après les rudoiements verbaux du juge Burgaud par le législatif, en passant par la confrontation des prétendants à l’Elysée : tout cela révèle, finalement, la limitation dans l’exercice du pouvoir.
Le sens moral de l’être humain ne compense pas, en général, son irrépressible, et parfois dévastateur, penchant à satisfaire ses envies, ses intérêts, ses ambitions. La démocratie, malgré son infecte tare, le clientélisme opportuniste, parvient à modérer ce qui, chez le politique, pourrait l’incliner à bien pire que la démagogie.

L’aspiration utopique au meilleur des systèmes de gouvernance fait rejeter ce mécanisme de l’élection qui confie à un peuple cumulant les défauts le soin de désigner le premier d’entre eux. La maturation évacue ce leurre d’une meilleure mécanique institutionnelle au profit d’un réalisme initial.

Mardi 13 février
De retour à Lugdunum, après deux denses journées de tourisme à Paris. Vagabondage sur les terres d’élection de mes études juridico-littéraires. En ces temps studieux, je ne songeais guère à profiter du quartier latin dans son débordement de vie estudiantine. De l’ancienne à la Sorbonne nouvelle, je consacrais le strict nécessaire à la prise du savoir délivré, sans prolongement humain. Sitôt achevées mes obligations en amphi ou en salle, je filais vers mes lieux de recherches éditoriales : bibliothèque nationale ou l’historique de Paris, au premier chef. Réfractaire toujours pressé, j’ai sans doute hypothéqué d’innombrables instants de complicité humaine d’où auraient peut-être émergé quelques contacts utiles pour une suite carriériste.
De ces promenades, la trace des années passées : une BN sans plus la bousculade à l’entrée de la cathédralesque salle de lecture. Vide de tout, êtres et bouquins en symbiose, depuis le transfert des fonds à la TGB Mitterrand. Quelques images surgissent dans cette ambiance feutrée : mon premier contact avec la resplendissante Shue (amie iranienne dont j’ai de moins en moins de nouvelles) en 1996, à la recherche de références pour son mémoire et que j’ai gourmandement aidée ; les joyeux échanges avec Nadette (perdue de vue) qui bûchait sur sa thèse dans la salle des manuscrits…
En rapide panorama : quelques pas en haut de l’Arc de triomphe pour laisser plonger son regard dans les dessins géométriques des impériales avenues, sur les terrasses paradisiaques ; descente au bras de ma belle des Champs Elysées pour se croire emportés par quelque bourrasque qui nous surdimensionnerait ;
autre descente, recueillie celle-la, dans les labyrinthiques couloirs de la crypte du Panthéon. Entre toutes les tombes, celle des Curies retient l’attention émue par les multiples petits mots dans toutes les langues déposés par les visiteurs…
Fin des réflexions sur le système démocratique : se laisser convaincre par le pis-aller des discours, jauger chacun sur la combinaison d’une audace porteuse d’espérance et de réalisme gestionnaire évitant les déconvenues récurrentes. Les adaptations du discours à l’estrade occupée, à l’auditoire courtisé.

Dimanche 18 février, 22h40
Fini la semaine de délassement : une reprise chargée avec une majorité d’interventions pour les Lieutenants.
Cette campagne électorale laisse planer une curieuse atmosphère. Les ratés de Ségolène Royal en bisbille avec la maison mère rue de Solférino et les pontes déchus lors des primaires ; l’emballement dispendieux de Nicolas Sarkozy rappelé au réalisme budgétaire par quelques membres de son équipe (Fillon suivra-t-il la voie de Besson ?) ; la tentative bayrounienne de s’imposer comme la seule alternance crédible avec sa tonalité révolutionnaire centriste ; l’enjolivement du discours lepéniste pour atteindre la respectabilité politique (merci à Marine et à l’essayiste… ami de Dieudonné !) ; l’agitation parsemée des partis à la gauche du PS qui démontrent, une fois de plus, leur incapacité à se rassembler pour peser : ce jeu d’ombres et de lumières fascine, inquiète, rassure, tour à tour. A suivre…

Vendredi 23 février
A l’ère de la précampagne…
« Songs from the Labyrinth » du créatif Sting, jusqu’ « Où vont les rêves » du swinguant Jonasz bercent mes trois osselets. L’air de la précampagne n’a pas les mêmes atours. Chacun s’essaye au meilleur numéro, alternant la bonne figure consensuelle dans les émissions politiques et les chants belliqueux sur les estrades des meetings enflammés.
Les faux-semblants ne se camouflent même plus. Nous annoncera-t-on le suicide physique, après le politique, d’Eric Besson écoeuré par la tambouille malodorante de l’équipe Royal ? Certes, on peut toujours élargir ses frontières pour se convaincre du moindre mal qui règne ici, mais cela ne doit pas nous incliner à la posture de la « carpe autruchée ». Savoir de Villepin rongeant son frein, apprendre que Jospin vient de digérer son chapeau, suivre les tribulations chiraquiennes et s’inquiéter de la tournure des extrêmes, de l’égorgeuse de patrons à l’empapaouteur du 11 septembre : le panorama s’impose à longueur d’antenne. Encore un coup à me faire bouler d’AgoraVox pour article insuffisamment argumenté !
Alors approfondissons : la parole politique, que vaut-elle ? Lorsqu’on affirme se retirer de la politique et que l'on rapplique sans crier gare, lorsqu’on clame porter son projet de CPE jusqu’au bout pour céder face à l'asphalte surchauffé,
lorsqu’on débarque avec mille et une propositions alors qu’on a été solidaire et partie prenante des gouvernements en place depuis une demi décennie, lorsqu’on se laisse tellement imprégner par la pratique participative qu’on en oublie sa propre cohérence : que peut bien valoir la capacité gestionnaire d’un prétendant à la gouvernance lorsque chacune de ses paroles, chacun de ses actes, doit intégrer la pression d’un électorat à séduire ?
Attendre les engagements écrits de chacun, comparer et se décider : n’est-ce pas l’illusion du citoyen qu’on berce ? Tout damner pour ne pas avoir à se fixer ?
Une ‘tite plongée en Irak fait très vite comprendre l’intérêt fondamental de ces ballets politiques, malgré la bonne couche des opportunismes ambiants.

Le néant argumentatif. La dernière trouvaille de l’ex député poujadiste, « nier la valeur historique du 11 septembre ». Cette pure provocation saura séduire le simplisme si confortable des destinataires bien ciblés. Ni plus, ni moins choquant que la ribambelle d’escrocs de la pensée qui se sont essayés à la négation de la présence matérielle d’un avion écrasé dans le Pentagone.
Depuis quand le critère de la gravité d’un acte et sa résonance historique se limitent-ils à un décompte macabre ?

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